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l’or des forêts (#1)

l’or des forêts (#1)

foret
Forêt primaire à Bali, août 2013

Ne cherchez plus. Tout l’or du monde est là. Pulpeux, luisant. Profond jusqu’au vertige. La forêt est un trésor dont l’immense valeur s’apprécie à chaque fois qu’on la contemple. Le regard qu’on prête à la forêt fait notre fortune. Une richesse lente, filtrée, pure et infinie : combien d’oiseaux, de papillons, de fleurs, de fées, combien de joies secrètes habitent les jungles du monde ? Combien en préparent-elles encore dans l’alchimie de l’ombre et de la pluie ?


La forêt fait de la certitude sa grande loi : ce qui s’y élabore n’existera qu’en conformité avec l’équilibre des flux déjà produits. Rien ne doit heurter le chant que la terre compose. Il faudrait environ sept siècles pour que l’harmonie y règne en maître depuis l’humus jusqu’au houppier. Ce sont donc sept siècles au moins que la forêt a thésaurisés dans ses échanges invisibles avec les multitudes qu’elle abrite. Dans la prodigieuse épaisseur de sa chair émeraude, la forêt fait passer d’infinies connexions d’une vie à l’autre. La pesanteur de son ombre les protège. La vie percole, la vie infuse en permanence sous les fougères, et chaque feuille applique un secret de fabrication bien à elle, à son rythme et en étroite collaboration avec l’autre feuille qui la frôle quand le vent s’en mêle.


Gigantesque laboratoire sensuel, la forêt se donne aussi en spectacle. Combien de fois par jour un arbre fait changer le scintillement de son feuillage ? Un feuillage aux incessants reflets comme autant d’illusions, de faux-mouvements, de trompeuses couleurs. La forêt est un miroir aux alouettes, ou plutôt un miroir aux sunbirds, ces oiseaux-soleils attirés par le nectar des passiflores. La ramure de la jungle porte son poids de ciel, elle en recèle aussi ses mirages. Sous la voûte arborée, rien ne ressemble plus à une feuille qu’un oiseau tombé des nues et chacun se confond dans l’autre. Il y a d’ailleurs l’oiseau-feuille, celui qu’en anglais on nomme leafbird, vert comme elle, et qui se laisse choir de branche en branche avec le même détachement, la même brève mollesse.


[à suivre]