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le lit oublié

le lit oublié

oreillers

Sawah Indah Hotel, Sidemen, Bali, août 2013

C’était un lit dont ils ne savaient que faire, dans une pièce où ils n’allaient jamais. Lit bancal, sommier muet, draps jamais défaits. Les oreillers sont restés à leur place. 27 impasse Dupuis.

Tant de choses à s’écrire, si peu à vivre en somme. Mirage romanesque de l’encre sur du papier couché plus qu’eux-mêmes. Par quel mystérieux processus ces victorieux poèmes en rafales ont fané à leurs lèvres ? Ils avaient aimé pousser loin le verbe, comme le rossignol s’étourdit de ses propres trilles dans le miroir des belles nuits de mai, sans réussir à chanter juste une fois les rideaux tirés. Les vibrations si vraies sous la plume s’ensommeillaient sitôt les peaux frôlées. Mots, lettres, promesses, précipitées tout à trac dans le bain d’un été complice, ressemblent maintenant à de froides guenilles d’hiver. Avaient-ils trop lu Jean-Philippe Toussaint?

C’était un lit dont ils ne surent que faire, n’osèrent même pas refourguer au Bon Coin.

Ils se sont croisés à midi trente aujourd’hui devant la brasserie des Trois-Fontaines. Elle a relevé son col au passage glacé de la bourrasque, il a repris des haricots verts.