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portraits de l’Indonésie (#1)

portraits de l’Indonésie (#1)

Bondowoso, Java, Indonésie, août 2013

Je traînais sur le marché de nuit de cette bourgade haut perchée dans l’est de Java, me laissant aller à cette ambiance festive et bon enfant typique des soirées de ramadan. J’avais voyagé toute la journée, j’étais vaguement fatigué, surtout tenaillé par la faim. Au beau milieu des restaurants traditionnels (qu’on appelle ici warungs) qui ouvraient peu à peu sur la place centrale, cette petite fille a surgi devant moi comme un feu follet dans la pénombre. Mon errance semblait l’amuser alors j’ai cherché à capturer son doux regard, malgré la faible lumière. Gracieux modèle qui m’a suivi dans le dédale du marché jusqu’à ce que je m’installe sur un tapis pour découvrir la spécialité locale : le lalapan, composé de viandes rôties, de concombre et d’épinard, avec beaucoup de riz et des flots de sauce piquante. Je m’étais mis à manger avec les doigts pour faire couleur locale. Les sourires amusés des habitants me faisaient une petite place dans leur communauté nocturne et je ressentais une vraie fierté à me sentir accepté, même avec une pointe d’ironie et fût-ce au prix de cramer ses papilles. Entretemps, la petite demoiselle avait été chercher ses frères et soeurs pour me présenter à eux. C’est un fait marquant de ce merveilleux périple : on ne reste jamais seul en Indonésie. Dans la rue, dans les champs, sur les plages, il y a partout des enfants, des adultes ou des vieillards qui viendront vous aborder, cherchant à établir le contact, et quitte à recourir aux seules mains pour parler. Attirés, amusés par votre façon d’engouffrer un lalapan ou d’interroger les arbres de la jungle, cherchant en nous, au-delà des différentes manières d’invoquer le ciel et les morts, cette part insécable de fraternité humaine.