à part soi

Menu

à part soi

Menu
délibérations

délibérations

grillage

Viscri, Transylvanie, août 2010

Photographier, c’est écrire. Ou plutôt heurter le vide avec une écriture silencieuse. Une écriture qui ne dit rien, qui laisse voir ce que d’ordinaire nos yeux cachent à nous-mêmes. Et parfois la photographie que l’autre garde de nous, au détour d’un sourire jeté là devant un canard laqué, réécrit à notre insu un bout de notre vie.

C’était fini, je l’avais décrété. J’étais libéré d’une passion impossible à éteindre. Et peu à peu ma liberté me poussait dans la geôle d’un souvenir impossible à étreindre.

Je tiens l’hiver pour être plus bienveillant que l’été. Ses nuages font un manteau épais pour nos épaules, la neige écrit nos pas. La forêt de l’hiver n’est pas muette : elle prend le temps d’écouter nos histoires croustillantes sur ses brindilles complètement givrées. Et si son froid pique, c’est tant mieux : il éperonne l’idée qu’un printemps est toujours à naître.

On se dit pour se consoler qu’on a échappé miraculeusement à cette mangeuse d’hommes, qu’au fond nous n’aurions été qu’un amas de chair de plus, testé, consigné, étiqueté et stocké dans un long registre.  Et puis vient le soir où elle tombe en panne de gaz, son frigo est vide, la pizzeria d’en face est fermée. Seul dans le quartier, on se ravise. On se prend presque à espérer le coup de fil qui dira que peut-être vient enfin notre tour. Pour elle on a dressé la table avec les couverts en argent, carafé un vin joyeux, mis à mijoter le meilleur de soi. La soirée se passe sous la pendule et le lendemain les journaux font leurs choux gras de cette fille qui s’est laissé mourir de faim.