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le voyage à Cuba

le voyage à Cuba

 

Soleil couchant sur le Malécon, La Havane, août 2015

Après le safari géant de l’Afrique du Sud l’an passé, il fallait revenir à l’humain. J’avais à nouveau soif d’arpenter les villes, de me perdre dans les ruelles, de dire bonjour aux gens et passer du temps avec eux. Je voulais rajouter des couleurs inédites à ma palette, sentir un autre monde palpiter sous mon regard. Depuis quelques années déjà, Cuba me titillait. Pour son histoire singulière, minuscule pays ayant osé défier l’acromégalie américaine à sa porte, pour les fantasmes politiques que le pays continue aussi de cristalliser, sous l’effet de clichés savamment maniés. Pour ces mêmes raisons, Cuba m’effrayait un peu : au-delà de ses icônes qu’on agite comme des maracas, quelle vérité le pays est-il capable d’offrir à ses visiteurs? Je redoutais un peu l’insincérité d’un décorum peint et repeint comme les ailes de ces vieilles américaines qui effleurent encore les pylônes de La Havane, mais l’accélération de l’Histoire ces derniers mois a fait voler en éclats les ultimes réticences.

J’ai filé à Cuba avec un appétit de voir tout neuf et un sac bourré de questions. Je n’ai pas toujours osé les poser aux habitants (je ne sais que trop la « pudeur » qu’on leur impose souvent), mais ils m’ont offert, dans leurs regards et dans leurs gestes, des réponses que je n’attendais pas. Il n’est pas un pays qui m’ait autant surpris ou touché au coeur, en tous cas depuis l’Inde en 2008. J’ai aimé la joie désintéressée des enfants, la sagesse en trompe-l’oeil des anciens, la poésie débordant des rues les plus grises, ébloui par cette volonté farouche de tout un peuple de faire avec ce destin qu’on lui assigne depuis des lustres. Si les dirigeants se glorifient d’être les meneurs d’une révolution politique le long des rues balisées de slogans de propagande, une révolution bien plus grande m’a sauté aux yeux : cette manière propre aux Cubains de dépasser la réalité économique et sociale, dans la musique bien sûr, omniprésente, mais aussi en jouant de bon sens, d’altruisme, de courage, d’esprit curieux. Des valeurs dont l’Occident gagnerait peut-être à retrouver le sens : à tout instant, Cuba m’a rappelé ce que nous avons souvent perdu en cours de route.

Un voyage initiatique donc, pour réapprendre la joie vive et la mélancolie douce dont j’ai essayé d’imprégner une poignée de photos (certaines ont mystérieusement disparu d’une carte mémoire) et un carnet de bord de 180 pages.