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Baie d’Ha Long, Vietnam, juillet 2012

Est-ce que j’ai réellement aimé ce voyage ? La question me taraude encore. Il faut dire que le Vietnam fut un deuxième choix: j’avais ficelé un premier itinéraire à Madagascar (les actes d’insécurité répétés m’ont fait lâcher prise) avant de me rabattre in extremis sur cette destination réputée facile et accueillante. Je n’ai eu le temps que d’organiser la première moitié du voyage, dans les principaux spots forestiers du pays. C’est celle qui a le moins bien fonctionné. Parce que les jungles tonkinoises et annamites, elles sont rares, coincées à l’état de patches entre des étendues monotones, des paysages certes verdoyants mais mités par les cimenteries, les centrales à charbon, les lignes à haute tension et une urbanisation désorganisée. Sur le papier, il y avait des choses prometteuses. Sur le terrain, nous avons pleuré la quasi-absence d’oiseaux les premiers jours. C’est simple : entre Ha Noï et la baie d’Ha Long, la route étire ses 150 kilomètres dans des rizières et des marais totalement vides de vie.

L’explication de ce désert nous a été fournie par Dong, notre (formidable) guide. Les guerres et la chape communiste qui a suivi ont plongé le pays dans la famine, poussant les gens à chasser, braconner et piller la nature pour subvenir à leurs besoins de protéines. Malgré le décollage économique depuis 1996 et le relèvement général du niveau de vie, le braconnage s’est institutionnalisé. Et avec une population trois fois plus dense qu’en France, on a vite fait de tout grignoter. Du coup, dans les parcs et les réserves où ils sont officiellement protégés, les oiseaux et les mammifères se planquent. Jamais vu un comportement aussi élusif dans un pays sub-tropical : il a fallu batailler deux jours pour voir la queue d’une garrulaxe et même les singes, chassés pour leur soi-disant exquise cervelle, sont restés particulièrement discrets. Je reviendrai plus tard sur les aspects environnementaux dans une note spéciale qui listera, comme l’an passé, les espèces animales observées.

La seconde partie du voyage s’est davantage tournée vers les gens, leur culture, leur histoire. Et c’est là que je me suis réconcilié avec le Vietnam: dans l’agitation incroyable de Saigon (j’ai du mal à dire Ho Chi Minh Ville), sur les rivages mélancoliques du Mékong, dans les villes chargées d’histoire que sont Hoi An et Hué. J’ai aimé les petits déjeuners pantagruéliques dans le brouhaha des marchés pleins d’odeurs, j’ai aimé la malice édentée des vieux paysans qui s’improvisent moto-taxis, j’ai aimé ces maisons ouvertes au tout-venant (l’intimité n’est pas une notion très poussée là-bas), cette ambiance à la fois frénétique et contemplative, saturée d’humidité, ces rythmes contraires qui tenaillent et soulèvent d’une rue à l’autre. Et puis les photos le diront mieux toutes ces prochaines semaines : le Vietnam vaut par ses femmes et ses hommes bien davantage que ce qu’ils ont réussi à faire de leur pays.