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ceci n’est pas une carte postale

ceci n’est pas une carte postale

Ile de Moorea, Polynésie française, février 2012

Message griffonné du bout du monde, d’un confetti de ce continent « invisible », selon les mots de Le Clézio. On n’y verrait que du bleu, c’est vrai, et pourtant la Polynésie, vaste comme l’Europe (5,5 millions de km²), réussit le pari de m’émouvoir bien au-delà de ce qu’inspirent ses lagons idylliques. On m’a envoyé ici, à Papeete, pour rapporter la matière vibrante du pays, les bruits étouffés de son histoire, les couleurs chamarrées de son quotidien, ses questionnements intimes sur son avenir. Un voyage à travers le FIFO, l’événement culturel de l’année à Tahiti, qui fait converger tous les regards océaniens vers une communauté de destins.

Il y a en Polynésie cette improbable façon de concevoir l’espace vital. Les îles, on n’en fait que le tour, et souvent un tout petit. Ne pas croire pourtant qu’on y tourne en rond: sur ces minces rubans coincés entre la jungle escarpée et l’inconfortable corail, la vie fourmille. Ce qui m’a surpris ici, c’est l’absence totale de nonchalance propre à d’autres archipels tropicaux. Sur le front de mer encombré de Papeete, j’ai croisé une jeunesse en plein doute, des mélancolies rêveuses devant les gros bateaux blancs qui passent.

D’où vient cette inquiétude qui brouille les regards? Un début de réponse m’a été soufflé par les films présentés cette semaine. Lorsque l’un d’entre eux s’en va sur les traces de Pouvanaa Oopa et dissèque l’histoire secrète entre Tahiti et la métropole, toute la population locale s’émeut aux larmes. La même émotion qui monte des chansons bluesy traversant Murundak, ode aux Aborigènes sur les chemins rouillés de l’outback australien, et des vagues cernant un archipel micronésien en voie d’engloutissement, les Kiribati, dans le film The Hungry Tide. Une chose est sûre: le futur de la Polynésie réside moins dans la vitrine bleue de ses atolls que dans la réappropriation de son passé. Sous la clarté aveuglante du soleil, un peuple, fragmenté par l’égoïsme de l’Occident plus que par l’émiettement géographique, guette une reconnaissance internationale.

(à suivre)