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la morille

la morille

Morille conique (Morchella conica var. deliciosa), Trièves, Isère, avril 2012

Délicate et complexe, la Morille se chante comme le vin. On pourrait flatter sa robe, ses arômes et son bouquet, à la manière des crus. On lui distingue deux grandes familles dans lesquelles les auteurs inventent des cépages au gré des modes taxinomiques :

– famille des Esculentae : elle regroupe la Morille vulgaire, dite aussi grise ou noire, la Morille blonde ou blanche, la Morille ronde, comme son nom l’indique, la variété à gros pied, au nom latin peu suave de crassipes, la Morille des jardins, la Morille des dunes.

– famille des Conicae, qui se démarque nettement de la précédente par ses caractéristiques morphologiques plus élégantes (une robe plus sombre, parfois nuancée de pourpre ou de chocolat, des alvéoles méthodiquement rangés) et des arômes plus corsés, plus tannisés diraient les oenologues. Ici trônent la Morille conique, la Morille élevée, la Morille costée, la variété délicieuse si bien nommée (la plus longue en bouche), la Morille distante et l’intrigante Morille acuminée, au chapeau démesurément pointu.

Chaque famille a aussi son terroir. Celui des Esculentae est plutôt humide, riche en humus et en azote : il est semé de frênes, d’ormes et d’érables champêtres. Le terroir des Conicae est plus rustique et volontiers calcaire. Il présente aussi des affinités alpines : la Morille délicieuse grimpe jusqu’à 2000 mètres d’altitude sur les versants bien orientés.

Il n’existe pas de cépage hybride, pas plus qu’on ne sait multiplier les cépages avec efficacité. Les tentatives de culture produisent des résultats aléatoires. C’est tant mieux : gardée par la Vipère, cachée par les feuilles luisantes de l’Ail des ours, la Morille préserve l’intimité de son élaboration au gré de millésimes impossibles à prévoir. Le printemps 2012 est un bon cru, bien meilleur que 2011, tombé en carafe à cause d’une sécheresse précoce. Les quantités récoltées cette année (déjà plus de 200 exemplaires en six vendanges) autorisent la longue dessication dans le cellier : comme un vin de garde, la Morille s’exprime aussi avec l’âge.