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Champ de maïs dans la vallée du Grésivaudan, Isère, février 2014

C’est triste, un champ de maïs. Un champ pour rien, un champ de mort.


Le maïs, comme la peste, infeste les campagnes et boit l’eau de la terre fiévreuse. Trop d’eau. Toute l’eau. Le maïs qui s’étend épuise la source des rêves.


Là où pousse aujourd’hui le maïs, c’était des champs riants. Marais, fleurs, rainettes, rousseroles, courtilières. Ecumes de jade, jonquilles en offrande à ta princesse : t’en souviens-tu ? Non, le maïs mange aussi la mémoire, comme le bitume et l’argent.


On croit même, à force de vide et de villes, que le maïs, c’est la campagne. Le maïs asservit la perception de tout, tu vois. Il asservit aussi les ruisseaux, les évase, les calibre, les retient. Barrages à la place, qui noient d’autres champs riants. Barrages à la place d’autres marais, d’autres courtilières.


Et tu ne sais plus ce que c’est, une courtilière. Tu n’as pas écouté sa musique depuis si longtemps. Tu ne veux pas savoir. Tu sais le maïs, le bitume et l’argent. Tu crois encore au reflet, tu t’agrippes à l’épi d’or. Le maïs pousse dans ta tête comme un arrosoir jaune. Et l’avenir prend les couleurs de la douleur d’un pays lointain. Comme la peste. Trop d’eau. Trop de larmes. Et le cœur sec.

« Comment te tiendras-tu dans ce délabrement des mondes,

Effondrement, tempête, invasion d’infinités,

Leur triomphe au milieu de nos ruines s’avance entre deux files d’atterrés, portant des trophées d’astres. Il ne laissera rien debout de nos songes, de nos refuges. » (Philippe Jaccottet, La Semaison)